Pourquoi célébrer la fête des mères en crèche ?
La fête des mères approche, elle aura lieu cette année le 26 mai. Au Canada, cette célébration est déjà passée et, en garderie, il est traditionnel de préparer avec les enfants, selon leur âge, un petit cadeau ou une photo pour les plus jeunes. En France, cette tradition a été quelque peu bousculée, voire boycottée, dans les crèches ces dernières années pour diverses raisons, elle est souvent remplacée par "une fête des familles ou des parents". J’avais envie de vous donner ma position sur le sujet, de vous apporter mon regard professionnel, probablement différent, et qui va à contre-courant de l’approche classique que l'on peut avoir en collectivité…
Définir le terme de "mère"
Le Larousse définit une mère comme : « Femme qui a mis au monde ou qui a adopté un ou plusieurs enfants, ou femme qui joue le rôle d’une mère. ». Le terme de « mère » ne définit pas exclusivement la mère biologique. Une mère est une femme qui prodigue des soins, de l’affection ou qui assume la responsabilité d’un enfant. On peut trouver différentes définitions de "mère" selon que l'on recherche la signification du terme en français ou en anglais. Les définitions anglophones étant plus inclusives et plus représentatives de la diversité. Cette définition inclut non seulement les mères biologiques, mais aussi les mères adoptives, les belles-mères et toutes les femmes qui jouent un rôle maternel dans la vie d’un enfant.
Pourquoi tant de réticence en collectivité?
Dans les crèches, multi-accueil et autre EAJE, il est aujourd'hui difficile de trouver des équipes de professionnels acceptant de célébrer "la fête des mères", en utilisant ces termes. Les raisons invoquées sont principalement de ne pas froisser, blesser ou stigmatiser les enfants dont la famille ne suit pas le schéma classique de la famille nucléaire (père/mère). Famille monoparentale, famille homoparentale, famille recomposée, famille d'accueil, famille élargie, famille tout court, tous ces modèles familiaux sont aujourd'hui représentées dans nos structures et sont les familles que nous côtoyons au quotidien...Selon moi, bannir le terme de "mère", est un non-sens, voir d'une contradiction pure et simple avec notre mission d'accompagnant et de soutien à la parentalité. En évitant le sujet de la différence et de la diversité, nous contribuons à stigmatiser les familles non-traditionnelles, et par conséquent, les enfants.
De plus, certaines professionnelles brandissent haut et fort la carte de : "compte tenu de son stade de développement, un jeune enfant, de moins de 4 ans environ, ne montre pas de volonté ou d'envie de faire un cadeau à ses parents.". (quoi que, je pourrais parler de mes observations faites au Canada une autre fois). En tant que professionnels de la petite enfance, bien sûr, nous n'allons pas obliger un enfant à faire un dessin ou une peinture simplement parce que c’est la fête des mères; nous n'allons pas non plus exiger qu'il suive un modèle ou bien encore forcer l'enfant à donner le dessin. Sur ce point, je suis d’accord. D'ailleurs dans le précédent article, je vous donnais des pistes de réflexion pour célébrer la fête des mères, sans production de l'enfant!!! De rien !! 😉
Sortir du formatage
Oui, il y a du formatage dans notre métier. Lorsque l’on est jeune diplômé, il y a certains sujets où l’on vous impose un schéma de pensée 🧐 , aller à l'encontre nous expose à un certain rejet, voir un étiquetage de « mauvaise professionnelle « . C’est le cas notamment pour la fête des mères, mais aussi de la référence, mauvais pour les enfants ou encore du cododo qui a mauvaise réputation et qui va à l’encontre de l’autonomie. Plutôt que de nous insuffler des théories pré-faites et mâchés, nous devrions être invités à nous questionner : on ne le célèbre pas, pourquoi ? Quelle est la raison ? Est-ce qu’on peut faire autrement? Et comment ? Est-ce bénéfique pour le bien-être ou le développement des enfants ? Etc.
Le questionnement, la réflexion professionnelle, l’échange devrait être à l’honneur pour tous les sujets qui nous questionnent ou qui nous animent. En équipe et avec la direction, il faut échanger vos idées, vos opinions et réflexion donc trouver un consensus professionnel, une certaine adhésion et compréhension de la démarche de la célébration ou de la non-célébration. Lorsque que l’on travaille seul, cette réflexion d’équipe ne vous concerne plus, mais pour autant, ce n’est pas plus facile, ni plus logique. La cause au formatage ? En tant qu’assistante maternelle, cette charge et réflexion n’appartiendra qu’à vous, il vous appartient de réfléchir à l’accueil que vous souhaitez proposer aux familles et aux enfants que vous accompagnez.
Les mères devraient-elles être uniquement célébrées par leurs enfants ?
En Amérique du Nord, c’est toute la société qui rend hommage à la maternité : les supermarchés, les écoles, il y a des affiches et des décorations partout pour mettre à l’honneur la maternité et le rôle des femmes. Les supermarchés affichent fièrement les photos de leurs employés qui sont mères; pour leur rendre hommage, on peut lire « Celebrate mom’s, you're amazing ! Célébrez les mamans, vous êtes formidables". Rendre hommage aux mères ne serait-il pas l’affaire de tous, de crier haut et fort qu’elles sont essentielles ? Peut-être cela permettrait-il de changer le regard de la société sur l’éducation et valoriserais le rôle de la femme.
L'importance d'accepter la diversité
Notre rôle et notre responsabilité en tant que professionnels de la petite enfance, ne sont-ils pas de permettre à chaque enfant de construire son estime de soi et de lui apprendre à accepter la diversité ? En tant que professionnel de la petite enfance, nous devons connaître les familles des enfants, leur composition et leur histoire, afin de pouvoir nous adapter et leur apporter une réponse bienveillante et soutenante. L’écoute active et la bienveillance sont des qualités essentielles à l'exercice de notre profession. En célébrant la fête des mères, nous reconnaissons et valorisons toutes les formes de maternité et d’accompagnement parental.
Adapter son vocabulaire
Et si un enfant a été adopté ? Être une mère « adoptive », c’est être mère aussi ! Si vous le souhaitez, vous pouvez en profiter pour aborder le sujet de l’adoption avec les enfants, grâce aux livres, par exemple…. Il est crucial de s’adapter et de modifier notre vocabulaire en conséquence. Il est important de savoir quel nom l'enfant a donné à la personne qui s'occupe de lui, qui prend soin de lui. Les noms ou les surnoms employés par l'enfant pour désigner "la maman" peuvent donc varier selon la composition de chaque famille, qu’elle soit composée d'une belle-maman, d'une grand mère, de deux mamans, etc, par exemple. L’enfant saura vous guider. L'accueil individualisé équivaut à offrir un traitement sur mesure à chaque individu. Pourquoi essayer de faire du collectif dans un contexte où chaque famille a sa propre singularité ? N'hésitez pas à vous appuyez sur des ressources de lecture jeunesse pour vous aider à aborder un sujet.
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Sensibilité et communication
Et si un enfant a perdu sa maman? Il s'agit d'une situation très difficile pour un enfant et le parent, il serait donc judicieux de bien réfléchir à l'avance et de discuter en équipe, de ce que vous souhaiter mettre en place ou ne pas mettre en place. On pense et réfléchit au bien-être de l'enfant avant tout. Il s'agit du cas par cas, deuil récent ou pas? Si vous célébrer la fête des mères, il est important de se rapprocher de l’autre parent pour discuter de l’approche à adopter, afin d'écouter et de définir les attentes du parent. Le silence et les tabous ne sont pas des solutions, mais le professionnelle en contact avec le parent doit également être en mesure d'adopter une écoute bienveillante et compatissante . Ne pas parler du deuil, c'est en quelque sorte le nier, plutôt que d'être dans le soutien et dans l'accueil des émotions vécus par la famille. Si vous avez une psychologue dans votre structure, elle vous sera d'une aide précieuse dans l'accompagnement de la famille.
En tant que professionnels, nous devons préparer les enfants à leur vie d’adulte et les sensibiliser aux différences. Connaître et accepter ces différences permettent d’instiller davantage de tolérance, de bienveillance et d’empathie, notamment vis-à-vis des enfants vivant des situations difficiles. Notre rôle est d’accompagner tous les enfants, de leur permettre de verbaliser, d’identifier et de nommer les membres de leur famille sans retenue, car ce sont les personnes les plus importantes dans leur vie d’enfant.
Célébrer les figures maternelles
Il ne fait aucun doute que les mères sont des figures importantes dans nos vies. Elles nous enseignent, nous guident, nous influencent, nous encouragent et nous apportent de l’amour. Nous n'avons pas tous des mères au sens traditionnel du terme, et nous pouvons nous tourner vers d'autres membres de la famille ou des proches pour obtenir des conseils, du soutien ou de l'encouragement. En cette fête des mères, célébrons non seulement les femmes qui nous ont donné naissance, mais aussi les personnes incroyables qui jouent un rôle maternel dans nos vies, qu’elles soient mamans adoptives, belles-mamans ou mamans de cœur.
Une occasion d'inclusion et de soutien à la parentalité
Voilà une excellente occasion de parler de la différence, des familles, des gens que l’on aime. L’inclusion ne se limite pas aux enfants à besoins particuliers, mais concerne tous les enfants. Chaque enfant est unique, et il est essentiel de leur offrir, quelle que soit leur culture, leur origine, leur histoire familiale et leur structure familiale, les mêmes chances et occasions de célébrer les personnes qui prennent soin d’eux, qui les aiment et dont ils peuvent être fiers. En célébrant la fête des mères en crèche, nous soutenons également la parentalité en reconnaissant et en valorisant le rôle crucial des figures maternelles dans le développement et le bien-être des enfants. Cela permet de renforcer les liens familiaux et d'encourager une communication positive entre les enfants et leurs parents.
Au Canada, les adultes souhaitent également une joyeuse fête des mères aux femmes de leur entourage qui ont des enfants. C'est une manière de célébrer et de rendre hommage à la tâche la plus difficile au monde, celle de la maternité, souvent négligée au quotidien. Cette journée spéciale met en lumière le dévouement et les sacrifices que les mères accomplissent, reconnaissant ainsi l'importance de leur rôle dans la société.
Le but de cet article n’est pas de vous dire qu’il faut célébrer la fête des mères, que vous devez prendre cette voix. Je vous invite plutôt à mener et à ouvrir votre propre réflexion, qu’elle soit personnelle ou en équipe, de sorte à être en accord avec vos principes, vos convictions et vos valeurs professionnelles. Vous devez réaliser cette réflexion et ce cheminement par vous-même, si vous le souhaitez. Un article que j'avais envie d'écrire et de partager aussi parce que notre profession est composé à 90% (ou plus?) de femme, et que célébrer cette fête, c'est aussi célébrer les mères, professionnelles de la petite enfance qui ont cette double casquette et qui tente chaque jour de trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur rôle de maman.