Je suis heureuse de pouvoir vous partager le tout premier portrait d'une éducatrice de jeunes enfants travaillant au Canada. Voici le portrait de Soléne, une EJE de 29 ans, qui après une première expérience en multi-accueil décide de faire une pause professionnelle pour être fille au pair à l'étranger.
Crédit photo: Solène
Peux-tu te présenter? Quel est ton parcours professionnel en France?
Je m'appelle Solène, j'ai 29 ans et je suis une française originaire de Nantes et habitant à Vancouver (Canada) depuis plus de 5 ans. Je suis EJE diplômée de l'IRTS Poitou-Charentes. J'ai obtenu mon diplôme en juin 2015 et j'ai enchaîné direct après avec mon premier travail dans un multi-accueil à gestion parentale, comme Co-responsable technique. J'ai remplacé mon ancienne tutrice de stage (stage long) pendant son congé maternité.
Qu’est ce qui t'a amené au Canada et pourquoi avoir choisi la Colombie Britannique?
Depuis longtemps, je voulais voyager et je n'avais pas eu l'occasion. Après l'obtention de mon diplôme, et mon premier emploi en tant qu'EJE, je voulais faire une pause en partant à l'étranger en tant que Jeune Fille Au Pair. J'ai postulé au Canada sans connaître ni rien ni personne. Et j'ai eu beaucoup de familles de la Colombie-Britannique qui m'ont contacté (la C-B étant une province anglophone, les familles cherchent beaucoup à faire apprendre le français à leurs jeunes enfants). J'ai eu un très bon contact avec une famille québécoise vivant à North Vancouver, et j'ai décidé de partir à l'aventure. Je n'avais jamais entendu parler de Vancouver, et je ne parlais pas anglais mais j'étais très motivée à voyager.
crédit: Solène
Avec quel permis es-tu arrivé et as-tu trouvé les démarches compliquées?
Oui, je pense que c'est très compliqué d'obtenir un permis pour travailler au Canada. Nous avons la chance, en tant que français, d'avoir la possibilité de voyager avec le programme PVT (Permis Vacances Travail) mais la loterie ne donne pas la même chance à tout le monde. J'ai dû attendre plus d'un an avant d'être tiré au sort. Finalement, après mon PVT, j'ai appliqué à la résidence permanente pour pouvoir rester au Canada de manière permanente. Les procédures sont longues et coûteuses mais elles valent le coup. Cela fait maintenant 2 ans que je suis résidente permanente du Canada.
Peux-tu nous parler un peu de la garderie dans laquelle tu travailles? As-tu trouvé facilement un emploi?
Je travaille pour une prématernelle francophone qui comprend : un jardin d'enfants (équivalent à la crèche avec des enfants de 1 à 3 ans), une classe de 3 ans (équivalente à la petite section en France), une classe de 4 ans (équivalente à la moyenne section en France) et une classe de 3 et 4 ans mélangés.
Je n'ai pas eu de difficulté à trouver un emploi dans le sens où la province de la Colombie-Britannique a beaucoup de difficultés à embaucher des éducatrices francophones, et encore plus de difficulté à embaucher des éducatrices francophones qualifiées. Quand j'ai trouvé cet emploi, je n'avais pas de diplôme canadien car le diplôme français n'est pas reconnu. J'ai dû travailler en tant qu'assistante et ce fut très frustrant pour moi. Mais après l'obtention de ma résidence permanente, j'ai pu faire évaluer mon diplôme et reprendre des cours pour compléter mes crédits et ainsi obtenir mon diplôme canadien. Il y a un vrai manque d'éducatrices francophones qualifiées ici, notamment dû au fait que la province ne reconnaît pas les diplômes de la Petite Enfance des autres pays, ni même des autres provinces comme le Québec.
Dans quel groupe es-tu et quel est ton rôle, ta fonction?
Je suis la responsable de la classe des 3 ans. Cette année, j'ai eu 20 enfants de 3 ans et j'avais deux éducatrices avec moi. Le ratio est une éducatrice pour 8 enfants entre 3 et 5 ans. J'assume la responsabilité de tout ce qui se passe dans la classe en termes d’encadrement d’enfants, de sécurité et d'accidents. J'encadre une équipe de 3 éducatrices et je dois prévoir l'organisation de la classe pour que chacun y trouve sa place et sa fonction. Je m'assure que les éducatrices soient bienveillantes envers les enfants, et je dois leur parler si ce n'est pas le cas.
crédit: Solène
Je prévois un programme pédagogique qui commence en septembre jusqu'à la fin de l'année scolaire en juin. Je propose différents types d'activités encadrées : bricolages, musique, motricité globale, motricité fine, etc. Je prévois en avance des thèmes toutes les deux semaines pour que les activités aient du sens pour les enfants. Enfin, une de mes principales fonctions est l'apprentissage de la langue française. Quand les enfants commencent en septembre, plus de la moitié ne parle pas français. Mais au fur et à mesure de l’année, qu’on passe du temps à répéter en français, lire des histoires, chanter des chansons, apprendre des nouveaux mots… ils sont tous capables de s’exprimer en français quand juin arrive, et c’est très valorisant en tant qu’éducatrice de se dire que c’est grâce à nous.
crédit: Solène
crédit: Solène
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Quels sont selon toi, les différences entre ton métier d’EJE en France et ton métier d’éducatrice au Canada?
La grosse différence que j'observe en Colombie-Britannique, est l'apprentissage de la langue française, quels outils ou techniques je vais utiliser pour permettre aux enfants d'apprendre à comprendre et à s'exprimer en français, comment je vais accompagner les parents pour que l'apprentissage de la langue française se poursuivre à la maison aussi. L'autre différence est l'âge des enfants avec lesquels nous travaillons. En France, les enfants sont déjà à l'école à à peine 3 ans. Ici, les enfants évoluent et s'épanouissent dans une garderie jusqu'à leur 5 ans où ils vont rentrer à la maternelle. Nous favorisons l'apprentissage par le jeu, libre ou encadré. Nous proposons des activités différentes et variées, qui touchent tous les domaines de développement des jeunes enfants. Ce ne serait pas quelque chose qu'on ferait en France.
Qu'est-ce qui t’a surpris ou interpellé dans ton travail?
Ce qui me surprend ici, mais cela n'est peut-être propre qu'à ce travail là, c'est que c'est très hiérarchique dans les groupes d'éducatrices : il y a une responsable du groupe et les autres sont des assistantes. La responsable décide de tout ce qui se passe dans la classe et les assistantes les applique. C'est quelque chose que j'ai voulu changer dans ce travail, car je souhaite travailler avec des éducatrices, qu'elles soient assistantes ou non, je leur laisse la possibilité de communiquer, de donner des idées, de faire des activités, d'animer un cercle, etc.
L'autre chose qui m'a surprise est la formation des éducatrices. En CB, les éducatrices prennent un cours pour obtenir le diplôme "assistante éducatrice", un cours en ligne de 4 mois à peine. Puis, si elles souhaitent continuer les cours, elles peuvent devenir "éducatrice qualifiée" mais ce diplôme permet seulement de travailler avec des enfants de 3 à 5 ans. Enfin, si les éducatrices le souhaitent elles peuvent continuer les cours, pour avoir la spécialisation "éducatrice pour poupons et trottineurs" (enfants de moins de 3 ans). Souvent les éducatrices s'arrêtent au diplôme d'Éducatrice des 3 à 5 ans. Il y a très peu d'éducatrices qui se spécialisent avec les enfants de moins de 3 ans. De ce fait, il y a très peu de structures d'accueil d'enfants de moins de 3 ans, car pour accueillir des enfants de moins de 3 ans, il faut un diplôme spécial : "Infant and Toddler Educator certificate". C'est mon but ici de pouvoir ouvrir des jardins d'enfants et d'accueillir plus d'enfants de 3 ans dans cette communauté francophone, car il y a un vrai besoin.
As-tu des projets professionnelles, peut-tu nous en parler?
Comme j'en parlais juste avant, mon projet professionnel serait d'ouvrir plus de centres d'accueil des enfants de moins de 3 ans. Je vais commencer un nouveau travail la semaine prochaine, dans une prématernelle différente que celle que j'ai présenté, en tant que manager de garderie. Je compte bien permettre l'ouverture de places pour les enfants de moins de 3 ans. La communauté francophone en CB ne cesse d'augmenter, et c'est la raison pour laquelle j'aimerai répondre aux besoins des familles francophones en accueillant leurs enfants en français.
J'aimerai aussi accompagner plus d'éducatrices de France ou de Québec à faire reconnaître leurs diplômes ici, ce qui entraînerait la création de nouveaux postes et de nouvelles places d'accueil.
As-tu facilement réussi à te faire des connaissances et à trouver tes repères?
Quand j'ai commencé à travailler dans la prématernelle francophone, cela a été un peu difficile car mon diplôme n'était pas reconnu, et alors on ne me consultait pas pour les décisions. J'ai dû faire mes preuves pour enfin avoir un poste à responsabilité donc c'est pas toujours facile mais c'est possible. Maintenant, je fais partie du réseau d'éducatrices francophones de la CB pour échanger autour de formations et autres sujets d'éducation.
La Colombie Britannique est l’une des plus belles régions du Canada, qu’est-ce que tu aimes le plus?
Ah oui la Colombie-Britannique est magnifique : ses montagnes rocheuses comme en Alberta, des lacs bleu turquoise, des randonnées à couper le souffle, ce sont des paysages de rêves. Entre la mer et la montagne, nous avons beaucoup d'options d'activités en extérieur et on ne s'ennuie jamais!
Ce que j'aime le plus est la multiculturalité, il y a des gens de partout dans le monde qui viennent faire des expériences à Vancouver, alors c'est vraiment facile de rencontrer une mexicaine, un allemand, ou un chinois. Et le fait que l'anglais est notre deuxième langue, on est pas jugé ou moqué sur notre prononciation ou notre manque de vocabulaire et cela donne beaucoup plus confiance en soi. J'espère qu'après le Covid, on pourra de nouveau aller à la rencontre des gens!
Un conseil pour nos collègues EJE ou autre professionnelle de la petite enfance qui ont envie de tenter l’aventure au Canada?
Allez-y! C'est la meilleure expérience de ma vie! Certes, ce n'est pas toujours facile mais rien n'est impossible, et si vous passez par Vancouver, je serai ravie de vous aider! Il y a un vrai besoin d'éducatrices en CB alors n'hésitez pas!
Je tiens à remercier Solène de m'avoir accorder un peu de son temps et d'avoir accepter de partager avec nous son expérience d'immigration et son expérience professionnelle en tant qu'éducatrice de la petite enfance. Ton expérience et ton témoignage sera surement très apprécié. Je te souhaite une bonne continuation!
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Bienvenue sur mon blog, le blog de l'EJE au Canada !!
Moi, c'est Florence, Française et professionnelle de la petite enfance ( AP & EJE) depuis 2008.
J'ai travaillé principalement en crèche et je suis arrivé au Canada en famille.
J'ai maintenant 6 ans d'expérience ici, en garderie privé et en CPE.
Vous trouverez pas mal d'infos au fil des articles et des témoignages d'autres professionnelles. J'ai également écrit un ebook de plus de 50 pages pour vous transmettre toutes mes connaissances du monde de la petite enfance au Canada.